Les grandes tendances de la température globale des 150 dernières années ne sont pas expliquées par la variabilité solaire, notre réponse à l’article de le Mouël et al (2020)

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Dans un article récent paru dans Earth and Space Science, journal de l’AGU, Le Mouël et al (2020) affirment que l’essentiel des variations récentes de la température globale pourraient être expliquées par la variabilité du rayonnement solaire. Dans cette réponse nous montrons que cette assertion n’est démontrée ni du point de vue de l’analyse du signal ni par les très faibles variations du rayonnement solaire qui montre même une tendance opposée à la température sur les 30 dernières années.

Nous estimons que la publication de cet article contribue à brouiller le message scientifique sur l’origine anthropique du réchauffement climatique alors que cette réalité maintenant établie fait l’objet d’un très large consensus au sein de la communauté scientifique.

L’article ressort finalement un argument très classique : le réchauffement observé (qu’on peut essayer de nier par ailleurs) serait dû surtout aux fluctuations du soleil (donc naturelles), la “preuve” étant dans la “ressemblance” des courbes.
Il y a deux gros problèmes dans cet argument (en oubliant la confusion cause / corrélation):
D’abord quantitatif : les fluctuations du rayonnement solaire sont faibles en général, et concentrées dans un cycle à 11 ans facilement observable qui n’a déjà qu’un impact très faible sur les températures globales. Il y a eu des tentatives de quantifier cet impact du soleil (le fameux facteur 4 oublié des “chevaliers de la Terre plate”, ou des mécanismes type impact des rayons cosmiques sur les nuages, dont on sait maintenant qu’il s’agissait d’un artefact d’observations) mais c’est apparemment abandonné.
Ensuite qualitatif : les 2 courbes “brutes” ne se ressemblent en fait pas du tout (variations opposées dans les dernières décennies), et beaucoup moins que celles de la température et du CO2. D’où le recours à une sélection et manipulation ad-hoc “créative” des données, périodes regardées etc. Avec ici en plus l’utilisation d’une méthode statistique complexe (SSA) qui permet de donner une impression de sophistication mais ne fait qu’ajouter de la confusion.
Face à ça, il était difficile dans une réponse de décortiquer les nombreux problèmes dans leur analyse SSA, ce qui était sans doute tomber dans le piège d’une apparence de débat purement technique (là où leur réponse à la réponse semble vouloir nous entraîner). Nous avons donc simplement
  • Montré côte à côte les courbes de base utilisées (température globale, taches solaires), avec parfois un traitement minimum (lissage du cycle à 11 ans). C’est déjà très parlant !
  • Effectué des calculs quantitatifs basiques, qui montrent que les fluctuations solaires sont trop faibles de plusieurs ordres de grandeur, encore plus si on utilise le rapport entre cycles à 11 ans de l’ensoleillement et la température comme référence.
L’avantage est que c’est facile à comprendre, et – on l’espère – convaincant.
Plus généralement, cette approche par “ressemblance” est assez symptomatique je pense d’une confusion très répandue sur ce qu’est un “modèle” du climat. Dans l’esprit de beaucoup de gens (qui extrapolent à partir des “modèles” dont ils ont l’habitude), ça doit être une sorte de modèle statistique type régression multiple, où on a en entrée un certain nombre de variables (le CO2, le soleil…) et en sortie la température, avec des coefficients à déterminer de façon empirique (plus que théorique). D’où cette obsession à vouloir comparer des courbes temporelles pour vérifier la corrélation – sans trop se préoccuper de justification quantitative par un mécanisme physique – ou certaines critiques de mathématiciens du style “problème sur/sous-déterminé”.
L’article de Le Mouel et al.,  le commentaire de Cuypers et al. et le Reply de Le Mouel et al. peuvent servir de cas d’école à la critique d’un article soit disant scientifique masquant la pauvreté des arguments scientifiques par l’utilisation d’une méthodologie mathématique compliquée.
Yannis Cuypers, Francis Codron, Michel Crépon